AU MOUVEMENT

PODCAST : J’HABITE OÙ JE LUTTE

Petite intro, grands remerciements

J’ai écrit un court article au sujet des deux expériences de podcast que j’avais récemment faites. Il y s’agissait surtout de mon rapport à la voix. Aujourd’hui je vous parle davantage du contenu du podcast J’habite où je lutte que Vanessa Jérome et Pierre-Luc Landry ont si bien animé et réalisé. Je les remercie. Je me suis sentie guidée sans être dirigée, invitée sans être convoquée. Merci aussi aux autres participantes et participants : Marie M’Balla-Ndi Oelgemoeller, Claire Legendre, Roman Krakovsky et Florian Grandena qui était à l’origine du thème « Exils » et notre hôte, avec toute son énergie lumineuse.

Le choix du mot « mouvement »

« Exil », « déchirement », « expatriation », « choix qui s’impose », « fuite », « aventure »… Plusieurs histoires personnelles, plusieurs termes. Celui qui me parle le plus est « mouvement ».

Il y a dans le mouvement quelque chose qui relève de l’action. Se lever, avancer. Ce que l’on quitte, on ne le quitte pas forcément en regardant en arrière. Soit parce que c’est impossible, soit parce que ce n’est pas nécessaire. Ce que l’on quitte nous pousse ailleurs. Coulée de lave. Ce à quoi on tourne le dos nous propulse. Paradoxe.

Il y a la morphologie du mot lui-même. Apprendre à épeler son nom autrement :  « M » comme « rebond ». Le « O » comme « roulement. « U » comme « virage à 360 degrés », « V » comme « envol ». Apprendre à tout épeler autrement.

Il y a bien sûr l’émotion. Pierre-Luc l’a d’ailleurs bien coupé au montage et j’en suis soulagée. Alors que j’évoquais la maison – celle de l’enfance, celle dont je me suis défaite, celle que je voulais protéger des flammes en Provence, celle que je cherche, celle qui parle des femmes de ma famille, celle dont je veux que les murs soient poreux -, une sorte de trac m’a surprise. J’ai soudain eu du mal à déglutir, à respirer.

Permettre aussi aux contraires et à ce qu’ils inspirent, d’être gentiment exclus: stagnation, immobilité, gel, peur, confort, intérieur, paralysie, inertie, territoire, frontière, passivité.

Permettre aux synonymes ou aux associations d’idées de s’approcher: révolte, agitation, dynamisme, fuite, tourment, tempête, impatience, changement.

Les mots qu’on ne tient pas en laisse

Je suis très attachée aux mots que l’on ne tient pas en laisse.

Prononcé, le « mouvement » s’accompagne souvent de gestes. Quoi de plus étrange que quelqu’un qui parle de mouvement sans gesticuler? « Mouvement » ne s’arrête pas à « mou ». Il n’est pas non plus complètement « véhément ». Il semble toujours incomplet. Il faut le prolonger par le corps. Mains, tête, nuque, tronc.

En photo, comme en peinture, ce qui structure l’image est son point de fuite. La perspective linéaire y tend, la perspective atmosphérique le dissimule. Et le regard… Pour le regard, il faut lire La chambre claire de Barthes. Un portrait réussi fait baisser les yeux. Ou plonger dans le regard. Encore le mouvement.

Dans la langue, ce qui « parle » est ce que les mots ne font qu’éveiller, suspendre entre les syllables, entre les hésitations, les manques, les tensions. Ce qui « parle », c’est le pari que l’on fait : je ne sais pas si tu me comprends mais je m’adresse à toi et espère. Les actions ou réactions me diront si nous parlons la même langue. Ce qui « parle » est ce qui met en mouvement. Et nos mouvements parlent de ce que nous sommes.

Écoutez le podcast Exils

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