MOTS, INCLUSION, EXCLUSION

 

L’exemple de l’homophobie

 

Il y a quelques années, alors que je débutais dans mon utilisation des réseaux sociaux (je n’ai pas fini de débuter), j’étais tombée sur une publication venant des États-Unis qui m’avait laissée perplexe. Non. Je corrige. Les réactions que ce post avait suscitées m’avaient laissée perplexe. Non. Je précise. La moitié des réactions que ce post avait suscitées m’avaient laissée perplexe. Voilà. On y est.

La polarité ne me dérange pas toujours. Je ne suis moi-même pas nécessairement nuancée dans certains de mes propos. Tout dépend du sujet. Et cette remarque est déjà en elle-même suffisamment modérée. Du moins, compte tenu de la violence des commentaires lus dans le fil de réactions de ce cette publication. Il y a un moment où il faut arrêter de tergiverser et prendre parti. Radicalement. Une bonne fois pour toutes. Même quand comme moi, on croit très fort au respect, au bénéfice du doute et en la communication.

Un homme annonçait sur LinkedIn, réseau professionnel, qu’il avait été licencié à cause de son coming-out. Environ 400 commentaires. J’en ai lu 200. Le message principal de la moitié de ces 200 était le suivant: « Cette plateforme n’est pas faite pour la vie privée, le récit de ce licenciement n’a donc pas sa place ici ».

Que la cause du licenciement soit avérée ou non n’est pas la question. Ayant été et étant encore moi-même victime d’homophobie (et l’homophobie se décline sous différentes formes), je sais qu’on ne peut pas toujours « prouver » qu’il y a eu violence, abus, dénigrement, exclusion, rejet.

Est-ce que vous marchez dans la rue en enregistrant systématiquement ce que l’on vous dit, en filmant ce que l’on fait dans votre direction ou ce que l’on vous fait? Moi non. Je n’ai encore jamais placé dans mon col de chemise un micro pour enregistrer les insultes, les blagues vulgaires, les provocations. Je n’ai encore jamais caché de caméra derrière mes lunettes de soleil pour filmer les crachats, les mains au cul, les stalkers. C’est étrange, non? Les agressions sexuelles quant à elles, ne se sont dans mon cas jamais produites alors que j’étais accompagnée. On se demande pourquoi.

Le sujet principal ici est l’homophobie et toute forme de violence qui n’est pas prise au sérieux. Quand quelqu’un raconte un acte dont iel a été victime, le premier réflexe ne devrait-il pas être d’écouter ce que cette personne a à nous dire, surtout quand on est bien installé(e) derrière son écran et que l’on a choisi de lire, de s’informer, de se connecter aux autres?

C’est vrai, moi aussi parfois je dis « non merci » quand on me sollicite dans la rue pour des pétitions. C’est vrai, je n’écoute pas non plus les histoires de chacun(e) quand on m’interpelle dans un couloir. Je suis loin d’être un ange et je ne compte pas du tout le devenir.

Par contre, s’il y a bien une chose qui me pousse au radicalisme, c’est la violence exercée par les dominants, surtout quand elle est délibérée. Et je ne choisis le mot « dominants » que pour être claire. Car ce mot, je ne l’aime pas. Je n’aime pas ce qu’il recèle de fascinant pour ceux et celles qui aimeraient le devenir (dominant). Je n’aime pas ce qu’il contient de symbolique pour ceux et celles qui n’osent pas penser au-delà des symboles dont iels ne sont même pas les auteurices.

L’homophobie commence avec l’absence d’écoute. Et pas parce que ne pas vouloir écouter tous les maux de la planète est le signe que l’on veut détruire ce qui ne nous touche pas personnellement – parfois au contraire l’absence d’écoute est une protection quand on se sent impuissante – mais parce que l’absence d’écoute dans ce cas précis s’accompagne d’un commentaire destiné à relativiser la violence, voire à faire comme si elle n’avait pas existé.

L’homophobie prend aussi la forme du compartimentage. Ici: l’argument selon lequel la vie privée n’a pas sa place sur une plateforme professionnelle. Comme si la vie privée et la vie professionnelle ne s’entremêlaient jamais. Comme si la vie privée n’avait rien de politique et le travail rien de personnel. On n’hésite pas à parler de « culture d’entreprise », de « valeurs », d’ « identification », mais on fait semblant de ne pas voir à quel point il est important de signaler toute forme d’abus au travail? On défend à juste titre et fort heureusement, l’importance des congés maternité et paternité, et celle de la prévention du burn-out, mais on n’est pas capable de voir que les personnes exclues par l’hétéronormativité devraient pouvoir être écoutées sur une plateforme professionnelle?

La communication c’est aussi l’écoute.

 

Communication inclusive

 

Ma clientèle me demande de plus en plus de la sensibiliser aux questions liées à la communication inclusive (et donc à la communication exclusive).

Ma première recommandation est d’écouter. Quand on n’a pas été directement touché(e) par l’exclusion ou la discrimination, l’humilité est de mise. Il n’y a rien de plus énervant que quelqu’un qui ne sait pas de quoi iel parle et qui vous dit qu’iel sait ce que vous vivez ou avez vécu. Souvent sans le dire en ces termes. Juste en vous faisant sentir que votre témoignage personnel n’a pas de valeur dans le système en place.

Deuxièmement, je crois qu’affirmer ses convictions, prendre parti, faire entendre sa voix n’est pas la même chose que faire la morale. Faire la morale, c’est écraser les expériences uniques au nom d’une norme construite par des décideurs la plupart du temps abstraits, voire inexistants. Faire entendre sa voix, c’est raconter son histoire, sans prétendre à la généralisation, mais sans non plus croire que cette histoire ne fera pas écho. Car elle fera écho. Beaucoup de gens se reconnaissent dans des récits singuliers.

Troisièmement, privilégier une communication qui se donne pour priorité d’enrichir notre vision du réel et donc notre relation au réel. Peu importent les cadres et ce que ces cadres veulent exclure.

Je ne le dirai jamais assez: Les mots sont des outils. Ce sont eux qui doivent s’aligner sur le réel. Le réel de l’expérience. Le réel le plus incarné possible. Pas l’inverse.

 

DE / Schlüsselwörter: Homophobia, inklusive Kommunikation, Beratung.

EN / Keywords: homophobia, inclusive communication, consulting.

 

 

Copyright, Viviane Welter, 2024.