MYSTÉRIEUX SUBJONCTIF
Le subjonctif est un personnage
Pour expliquer le subjonctif, deux options…
La première consiste à dire qu’il n’y a rien à expliquer et qu’il faut juste l’apprendre par cœur. Je n’ai cependant jamais aimé cette expression « apprendre par cœur » que je trouve contradictoire. « Apprendre par cœur » signifie apprendre sans réfléchir et sans ressentir. Le cœur, au contraire, convoque une intuition, un rapport physique au monde. C’est là que je trouve le subjonctif intéressant. Il a quelque chose d’organique.
La deuxième option est donc de l’expliquer comme on présenterait un mystérieux personnage. Un individu un peu insaisissable que l’on rencontre les soirs de fête, lors de grandes discussions entre amis, à la boulangerie du coin ou au bureau. Les verres de ses lunettes sont flous. Ce n’est pas qu’ils sont sales, loin de là, mais ils s’embuent facilement. Contraste entre les températures. Le subjonctif va et vient. Dedans et dehors. Partout et nulle part.
La langue s’est créé sa propre vision du réel. En français, elle se décline en quatre paires de lunettes : celles qui se revendiquent de l’objectivité, le mode « indicatif », celles qui se revendiquent de l’ordre, le mode « impératif », celles qui se revendiquent de l’hypothèse, le mode « conditionnel », et celles qui se revendiquent de la subjectivité, le voici, le mode « subjonctif ».
La subjectivité dans la langue
Sentiments, souhaits, opinions réservées…
Je ne fais ici qu’une présentation sommaire, histoire d’esquisser un panorama pratique du subjonctif.
Quand on exprime des sentiments, on porte la paire de lunettes du subjonctif.
Exemple : « Mon amour, je suis si heureuse que tu sois dans ma vie. »
Quand on exprime des souhaits, on porte la paire de lunettes du subjonctif.
Exemple : « J’aimerais qu’on se marie. »
Quand on exprime des opinions accompagnées de réserves, on porte la paire de lunettes du subjonctif.
Exemple : « Je ne suis pas sûre que tes parents soient ravis de cette nouvelle. »
Quand on exprime une obligation sans vouloir bousculer qui que ce soit, on porte la paire de lunettes du subjonctif.
Exemple : « Il faut qu’on leur fasse comprendre que leur opinion importe peu. »
Mais ce n’est pas tout. La subjectivité se glisse dans des espaces linguistiques moins évidents parfois.
Si un événement ne s’est pas encore produit, il appartient à un temps de l’imaginaire. Il est donc aussi soumis (j’ai l’impression de devoir dire « insoumis ») à la subjectivité.
Exemple : « Avant que nous envoyions les invitations, pourrais-tu me dire où tu imagines faire la fête? »
Et si l’événement s’accompagne de conditions, il est aussi encore trop glissant pour être rangé dans le monde de l’objectivité.
Exemple : « Je porterai un vêtement rock & roll chic à condition que tu portes aussi quelque chose d’original mais élégant. »
Ce n’est pas fini. Notre étrange personnage se cache parfois derrière d’obscurs énoncés.
Dans des situations d’opposition, peut-être parce qu’une brèche sépare les opinions, on est à nouveau dans le monde de la subjectivité.
Exemple : « Bien que tu vives encore de l’autre côté de l’océan, nous serons bientôt ensemble. »
Cette liste n’est pas exhaustive. Imaginez une ligne qui à l’infini se courbe. C’est ce qui se passe avec les langues en général. Aucune règle ne peut parfaitement se calquer sur le réel. Il existera toujours des exceptions, des bizarreries, des failles dans le système.
Exemple : « J’espère que » pourrait être aisément associé à un sentiment ou à une opinion sans réserves. On pourrait alors être tenté(e) de le faire suivre d’un subjonctif, mais non. Il sera suivi d’un indicatif : « j’espère que la fête sera à la hauteur de notre lien. »
Construire le subjonctif présent
Assembler les membres : radical et terminaisons…
Cette partie est plus facile quoi que plus technique. Il suffit de créer du nouveau à partir du vieux. Recyclage.
Ce que je conseille lors de mes cours, est ceci : Testez si le verbe est simple ou complexe. En d’autres termes, regardez si « nous » et « ils / elles » au présent de l’indicatif, ont le même radical.
Exemple : « Nous parlons / ils parlent ». On enlève le « ons » et le « ent », il reste le même radical « parl ». Dans ce cas, j’appelle ça un verbe « simple ». On ajoutera alors les terminaisons standard du subjonctif : « e », « es », « e », « ions », « iez », « ent ».
Voilà ce que cela donne : « que je parle, que tu parles, qu’elle parle, que nous parlions, que vous parliez, qu’ils parlent. »
Mais testons maintenant « nous prenons / elles prennent ». On enlève « ons » et « ent », et deux radicaux apparaissent : « pren » et « prenn ». Voici un verbe que j’appelle « complexe ». Pour construire le subjonctif de prendre, il faudra alors utiliser le radical « prenn » pour les personnes « je », « tu », « il / elle / on » et « ils / elles ». Sur ce radical, on ajoutera les terminaisons du subjonctif pour ces quatre personnes : « e », « es », « e », « ent ». Et pour « nous » et « vous », il faudra utiliser le radical « pren ». On y ajoutera les terminaisons standard : « ions » et « iez ».
Voici ce que cela donne : « que nous prenions », « que vous preniez », mais « que tu prennes » et « qu’ils prennent. »
Cette présentation serait incomplète sans une brève liste de verbes irréguliers. Et les verbes irréguliers sont souvent les plus importants : être, aller, avoir, faire, vouloir, pouvoir, savoir, falloir… entre autres.
Mais leur morphologie est si différente qu’on les mémorise en général plus vite que les autres.
Quelques exemples :
Il faut que je sois ponctuelle.
J’ai envie que nous fassions la fête dehors.
Ce serait bien que tout le monde puisse venir.
Pour conclure, le subjonctif est un mode complexe. Si je ne l’introduis dans mes sessions de formation qu’à partir d’un certain niveau, c’est notamment parce qu’il s’agit d’abord de maîtriser les quatre temps essentiels de l’indicatif : le présent, le passé-composé, l’imparfait et le futur proche. Il ne faut cependant pas non plus trop tarder à l’apprendre car on l’utilise énormément, autant dans la langue parlée qu’écrite. Sa complexité n’en fait pas un mode réservé à la langue soutenue.
Ceci n’est qu’une présentation écrite. Même si j’ai essayé de lui donner un caractère sensible, elle parle principalement à la tête. La pratique reste la clé d’un apprentissage durable.
Copyright, Viviane Welter, 2024.
DE / Schlüsselwörter : Konjunktiv, Sprache, Französisch, Kurs, Ausbildung, lernen, Konjugation.
EN / Keywords : Subjunctive, Language, French, Course, Training, learning, verbs.